« Ce n’est pas pour travailler en Allemagne qu’on nous arrête, pas avec les petits »

Le Monde Magazine 16 juillet 2022 (Extraits)

Benoît Hopquin et Anaïs Barelli

« À ce moment-là, on a vu arriver les autobus dans lesquels nous devions être embarqués. C’était une question de minutes. »

Le 29 juillet, alors qu’elles attendent sur le trottoir le bus qui doit les mener sur place, Louise dit à Rachel : « On fait demi-tour, tout de suite. »
Bien plus tard,l’aînée s’en expliquera à sa cadette : un autobus bondé est passé, dans lequel Louise a aperçu sa mère, en route vers la gare du Bourget. Là, elle est montée dans le convoi 12 pour Auschwitz, d’où elle ne rentrera pas.

Dans le 18ème, un centre de regroupement a été improvisé dans une salle de la mairie d’arrondissement. Joseph Weismann s’y retrouve avec ses parents et ses deux soeurs, dans une épouvantable promiscuité. En début d’après-midi, les prisonniers sont poussés dans les autobus à plate-forme de la Société des transports en commun de la région parisienne, l’ancêtre de la RATP. Sans un mot, le chauffeur prend la direction du Vélodrome d’Hiver. En chemin, un orage éclate.
Une dame se lève alors de sa banquette. «C’est Dieu qui pleure sur le sort des juifs », lance-t-elle.